En garde, Amélie Cordonnier

Date de parution : 23/08/2023 – Prix : 20€
Editeur : Flammarion

La narratrice de ce roman a promis à ses enfants et à son mari de raconter ce qui a déchiré leur vie de longs mois durant. Trois ans après les faits, Amélie Cordonnier tient parole et remonte le temps jusqu’à ce jour où tout a commencé. Il y a d’abord eu un courrier, pris pour une mauvaise plaisanterie. Alertée par un appel pour maltraitance, la protection de l’enfance la convoquait en famille à un rendez-vous visant à s’assurer que son fils et sa fille étaient bien en sécurité dans leur foyer. Un simple coup de fil, de surcroît anonyme, pouvait donc provoquer l’envoi d’une lettre officielle vous mettant en demeure de démontrer que vous êtes de bons parents ? Oui. La machine était lancée, et rien ne semblait devoir l’arrêter. Car comment prouver qu’on aime ses enfants ? Dans En garde, Amélie Cordonnier continue d’explorer ce qui se passe – et se cache – dans l’intimité familiale. Elle met en scène l’étau qui se resserre autour d’une famille sous surveillance, dans une course aussi effrayante qu’haletante.

RESSENTI

Un témoignage glaçant et haletant que je n’ai pu lâcher, j’ai été prise dans cette histoire du début à la fin, passant par toute une panoplie d’émotions. Cela dit certains passages sont malaisants tant ils paraissent impossibles, il y a des moments où j’ai douté de la véracité des faits et propos de certaines parties du livre. L’auteur nous narre une partie de sa vie, elle avait promis à sa famille qu’elle raconterait un jour ce qui s’est passé pendant de longs mois. Un véritable cauchemar que l’on ne souhaite même pas à son pire ennemi. Alors qu’elle vit sa vie tranquille avec son mari et ses deux enfants, elle la voit mise en suspens pendant de longs mois de calvaire, de vexation, d’humiliation. Suite à un appel anonyme, la protection de l’enfance est alertée pour maltraitance. Elle reçoit un premier courrier qu’elle ne prend pas au sérieux, elle croit à un canular, sauf qu’elle reçoit par la suite une convocation et là elle comprend que ça n’en est pas un. Passé la stupeur, elle décide de se battre mais elle va de charybde en scylla. Il lui est demandé de prouver qu’ils sont de bons parents, qu’ils aiment leurs enfants, qu’ils ne sont pas maltraités. Un inspecteur est dépêché pour vivre avec eux en permanence et vérifier que les enfants sont bien traités, il va outrepasser sa fonction en s’insinuant dans tous les aspects de la vie familiale et privée de cette famille. J’ai été très choquée par son comportement et me suis demandée si c’était même possible de faire ça !!! La famille plonge dans le chaos, rien n’est plus pareil, ils ne savent plus comment se comporter, la mère ne dort plus, ils sont tous sur les nerfs, ils ne savent même plus comment s’exprimer chez eux car l’interprétation de l’inspecteur peut empirer les choses.

On prend conscience que sur un appel, un signalement la vie d’une famille bien paisible peut basculer. L’auteur arrive à nous faire ressentir sa peur, sa colère, ses doutes, son stress, ses hauts et bas et sa détermination à faire cesser cela. 

EXTRAITS/MORCEAUX CHOISIS

« quand la machine administrative s’emballe et que l’État s’empare de notre intimité, on flirte avec « Brazil » ou « 1984 » … Alors le totalitarisme n’est plus loin »

« Les signalements restent anonymes. Les gens qui appellent le 119 ne sont pas tenus de décliner leur identité, et quand bien même la personne qui vous a signalés l’aurait fait, je ne vous l’aurais pas révélée. Vous voulez dire que n’importe qui peut dénoncer son voisin ? Qu’entendre suffit à faire foi, à faire accuser ? »

« Séisme, explosion, incendie, j’ignore quelle image employer pour décrire la déflagration que fut cet événement, ce trou dans nos vies. Je dis cet événement et non cet accident parce qu’il n’a rien de fortuit. Nous n’en sommes pas sortis indemnes, nous n’en sommes pas revenus, pas vraiment. Une part de nous est restée là-bas, à cette époque où nous n’irions plus rire ni crier, et j’arrête pas de me demander quelles séquelles les enfants en garderont. C’est pour cette raison aussi que j’ai fini par céder et accepter de raconter ce qui nous est arrivé, il y a trois ans. Mon mari pense que cela me fera du bien. Moi j’espère juste que cela nous permettra de comprendre. Et de suturer les jours.« 

« Il y a quelque chose d’exténuant à se savoir surveillé à chaque instant. Je pense aux hommes et aux femmes des tableaux de Hopper, seuls, assis au bord du lit ou du canapé, tête baissée, épaules voûtées, et j’envie l’abandon de leur corps qui, une fois la porte fermée, échappe à la société, se dérobe à ses regards autant qu’à ses jugements. C’est de ce relâchement que nous sommes privés. »

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