Les liens du sang, Errol Henrot

RENTREE LITTERAIRE 2017

PREMIER ROMAN

 

 

 

 

Résumé :

François est embauché comme tueur dans un abattoir, celui-là même où travaillait son père. Jour après jour, année après année, il est le spectateur d’une violence banale exercée contre les animaux. Enfermé dans cet abattoir, il se sent dans un autre monde, et cette brutalité quotidienne transforme peu-à-peu sa personnalité. Dehors, l’effroi se prolonge, la souffrance est toujours là. La folie le guette. La question du sang lui revient : et si la terre ne pouvait plus absorber une goutte de plus ? La mort de son père dont la chair morte le hante, la dénonciation de l’absurde massacre d’une vache, l’altercation violente qui s’ensuit avec le directeur accule François à fuir, une fuite qui ne sera pas une prévisible cavale, mais échappée réelle, fusion au coeur somptueux d’un paysage devenu soudain ermitage cosmique.

Ressenti :

Attention OLNI avéré, ce livre est inclassable. Attention pépite certaine. Je me suis pris une claque avec ce roman court 192 pages et pourtant lorsque je l’ai commencé je n’étais même pas sûre de pouvoir le finir. Pourquoi ? Premièrement, le sujet un type tueur dans un abattoir, je me suis dis que ça allait clairement être ennuyeux et qu’il n’y a pas grande chose à en dire. Quelle erreur ! Deuxièmement, la lourdeur, l’ambiance qui se dégage des paysages, des lieux, des personnages. J’ai eu un peu de mal au début, mais j’ai très vite pressenti que j’avais entre les mains quelque chose de fort, d’unique. Bien qu’assez déroutée au début, j’ai passé quelques temps à me demander qui cela allait intéresser, les bouchers ? les gens travaillant dans les abattoirs, les paysans ? Pas sûr, néanmoins, je n’arrivais pas à le poser , voulant absolument savoir le sort réservé à François. Plus, je lisais et plus je me disais que c’était fichtrement bien écrit, que c’était réaliste et que ce n’était pas possible, il allait se passer un truc, qu’il y allait y avoir un déclic, une brisure, un point de non retour. Ce fut le cas et j’ai été subjuguée par ce premier roman et je vais sacrément suivre cet écrivain incroyable.

Le personnage de François fait presque pitié au début, il travaille dans un endroit qu’il n’a pas choisi et exerce un métier qu’il déteste. Il est faible et n’a pas eu le courage de s’opposer à son père qui l’a placé dans l’abattoir de la petite bourgade dans laquelle ils vivent. Les rapports qu’il a avec son père son âpre, ils ne se comprennent pas, la mère est inexistante. Lui qui a toujours été effacé va changer au fur et à mesure qu’il abat des animaux, il va réfléchir sur la vie, sa vie, les animaux, le sang, la terre. Il va avoir de plus en plus de mal à abattre ces pauvres bêtes innocentes. Et là vraiment l’auteur a fait un travail de précisions pour faire entrevoir aux lecteurs l’horreur des abattoirs, la cruauté avec laquelle sont tuées les animaux, la perversité de certains tueurs, la tristesse des bêtes, leurs larmes aussi. C’est fait sans pathos, mais c’est saisissant, dérangeant, ça m’a remuée, m’a poussé dans mes retranchements, toute cette violence banalisée, est-ce qu’on est pas des tueurs en mangeant de la viande , même peu ? Est-ce qu’on ne consent pas en ne disant rien ? Les scènes dans l’abattoir sont difficilement soutenables pour qui a un tant soit peu d’empathie envers le règne animal, mais elles ne sont pas exagérées, elles sont réalistes et c’est d’ailleurs une des forces de ce roman c’est que le lecteur est un peu comme un visiteur de l’ombre, il regarde par la lorgnette, il est le spectateur unique et impuissant de tout cela. J’ai aimé la progression et le chemin qu’à parcouru François, il commence par faire froidement ce qu’on lui dit, puis ça va lui peser, il va en rêver la nuit et finir par ne plus supporter et se rebeller enfin contre sa famille d’une part et au travail d’autre part. Tout cela est décrit avec une froideur, et très cliniquement et cela ajoute au malaise du lecteur.

Et là whaou tout bascule et il écrit ses pensées et l’émotion est à son climax, je me suis pris une claque , c’était ça que j’attendais depuis le début. Rien que pour les pages 129 à 140 ce livre vaut la peine d’être lu. J’ai été touchée, bouleversée, émue, secouée et ébloui par la puissance des mots, des idées. J’ai dû retenir mes larmes, maîtriser mes frissons dans ce bus qui m’emmenait au travail. Le reste du roman est juste magnifique, la fin poétique et sans appel. J’ai changé petit à petit d’avis sur le personnage et j’ai admiré son courage et son humanité au milieu de cette dés-humanité.

C’est un roman qui ne laissera personne indifférent, la couverture est juste magnifique et à propos, c’est un livre militant en quelques sortes car on a vraiment plus envie de manger de viande en le fermant et on hait encore plus les tueurs d’animaux. J’ai été aussi très surprise par la question que se pose François sur le sang : que devient le sang versé  ? Pas seulement celui des animaux, tout le sang , qu’en fait la Terre ? Est-ce qu’elle n’en a pas assez ? Est-ce qu’elle peut encore en contenir ? C’est étrange pour moi car c’est une question que je me pose depuis très très longtemps.

Vous l’aurez compris c’est un coup de coeur et j’espère que ce livre trouvera son public et aura le succès qu’il mérite. J’aimerai beaucoup savoir si l’auteur a lui-même enquêter dans un abattoir.

Verdict : 

Une tuerie sans mauvais jeu de mots, c’est juste une petite pépite, ça démarre lentement mais après quel régal, quelle fulgurance ! Un auteur à suivre.

  • Broché: 192 pages
  • Editeur : Le Dilettante (23 août 2017)

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